L’oeuf, la poule, et le pénis en cage

[chaste35]

Bonjour Ponpon,

Merci pour ces indicateurs.
Je ne conteste pa l'augmentation de l'interet pour la chastete masculine, ce que confirme les courbes que vous nous indiquée et aussi le nombre de boutiques en ligne qui vendent cet accessoire, mais je m'interroge sur le nombre de personnes concernées par une pratqiue régulière et non par une curiosité passagère.

Je pense que notre interet pour la chasteté nous fait peut-être surestimer l'importance de cette pratique (c'et un peu comme quand vous achetez une voiture rouge, vous voyez des voitures rouges partout      ).

Main bien sûr je n'en sais rien. 

[PonPon]

Hello chaste35,

Google trends est plutôt un bon indicateur :

https://trends.google.fr/trends/explore?date=all&q=%2Fg%2F1q6j4sdfw&hl=fr

https://trends.google.fr/trends/explore?date=all&q=Chastity%20cage&hl=fr

Après, ça indique une tendance sur l'évolution de l'intérêt, pas un nombre absolu.

Autre indicateurs : le subreddit chastitytraining à lui seul à plus de 93k abonnés. Je serais curieux de connaître le nombre de membres d'un gros forum comme chastity mansion, je n'ai pas trouvé l'info.

[chaste35]

Bonjour,

Merci pour ce débat intéressant.

Il part du postulat d'une expansion importante de l'usage de la cage de chasteté. Il est difficile de vérifier si c'est vraiment le cas (mes petites recherches n'ont pas trouvé d'études sérieuses sur le sujet. Si certain d'entre vous en connaisse  n'hésitez pas à les partager ici). Ce forum consacré à la cage évidemment n'est pas significatif. Il y a peu de participant actifs, certains viennent sans doute par curiosité et repartent ensuite. Il y a peu de site consacré à ce sujet.

Dans les médias « mainstream » on trouve de très rares articles sur le sujet.

Ces pratiques restent peut-être le fait d'une petite minorité et notre intérêt pour le sujet nous le fait voir plus important qu'il n'est.

En tout cas je me pose la question ! 

[Lance]

Petit moment récréatif sur le sujet brillamment étudié dans ses messages très soignés :

- "He... hello... mon bon Mon...sieur! Dans 20... et quelques années... hum hum... voyez-vous... jeune homme, je ne sais pas... si je serai "exogène" au cercueil... pour encore pouvoir en parler... ou bien "endogène" à la boite en sapin... et... définitivement... disons, enfermé dedans... D'ici làààà... hum... voyez-vous... je devrai encore lire... ce sympathique forum... pour apprendre et comprendre... heuu... que la chasteté masculine... hum hum... n'a pas fini de faire parler d'elle... et que tous ses secrets... eh bien... ne seront pas encore percés. N'est-il pas?
- Chéri... ta soupe et au lit!
- Elle m'agace, ohoo... elle m'agace, elle m'agace...! Je suis avec mes amis sur CMC.com. Je dois me relire... hum hum! Encore 5 minutes Mamie.
- Tu as mis où ton plaid que je t'ai tricoté tantôt?? Je ne le vois pas.
- Au panier à linge Mamie... Avec tes gaines La Redoute!
- Et ta petite cage??
- ... Oho... je vais pas... y arriver... A sa place habituelle... Mamie!
- Sur ton zizi chéri?
- Non... dans le tiroir du chevet de Grand-maman?
- Hep hep hep! Qui t'a autorisé à l'enlever dis-donc?
- C'est toi... Mamie... Tu ne te souviens plus trop... comme... autrefois.
- Hop hop hop! Un mois de plus!
- Un mois de quoi... Je n'ai plus... mes 20 ans... Elle ne me serre plus comme avant... Heu... Elle ne sert plus à rien...
- Ah oui! J'oubliais. C'était le bon temps chéri. Une belle époque! Comme ça passe vite! Je vais me coucher... Tu viens?
- Pour quoi faire... Hum hum... Je viens plus depuis... longtemps..."

Lance, le 2 septembre 2044.

[enjauladito]

Hello Yohannklucem, Ponpon, Lance,

Excellente question que celle des causes sociétales de ce succès que semble connaître la chasteté masculine, ou en tout cas la commercialisation des petites cages auxquelles nous recourons. Tous les facteurs invoqués me paraissent crédibles, faisant penser que le mouvement de la chasteté résulte essentiellement de leur convergence plutôt que d'un seul élément causal clairement identifiable. Il me semble que peuvent coexister à la fois une séduction par l'originalité de ce nouvel objet, la cage, qui « créerait le besoin » et en même temps une réponse à un besoin latent, possiblement présent de tout temps dans le subconscient de nombreuses personnes  de manière non formalisée mais cristallisant sous une forme concrète à la vue de l'objet. Certainement qu'à la fois le besoin et la réponse commerciale sont fortement influencés par l'évolution sociétale et culturelle de l'époque, la transformation progressive des relations hommes-femmes, les coups et contrecoups de la régulation des naissances, de la libération sexuelle, de l'épidémie VIH, de la vague #metoo etc. Le rôle favorisant d'Internet mériterait d'être encore mentionné.

À côté de toutes ces considérations « exogènes », cependant, je mentionnerais encore un aspect « endogène », celui d'un mouvement de mode traversant la société avec sa vie propre, comme les innombrables autres modes qui ponctuent les époques de notre Monde. Ça correspond à la notion de « même » proposée par le biologiste Dawkins, qui se propage comme un virus parmi les cerveaux humains. Les modes ont en principe une genèse, souvent anecdotique, suivie d'une adoption exponentielle jusqu'à connaître une prévalence maximale, puis une baisse de succès et un déclin plus ou moins prolongé, parvenant soit à un abandon complet, soit à une persistance à un niveau stable dorénavant intégré au standard collectif. Le recours à la cage de chasteté est en phase d'expansion. Mais jusqu'où cela ira-t-il ? Quel sera le niveau maximal d'adoption et quand cela surviendra-r-il ? Quelle sera la durée de l'engouement ? Une régression sera-t-elle totale ou laissera-t-elle place à une collectivité durable d'adopteurs convaincus ?
Inscrit sur ce forum depuis plus de 6 ans, je suis frappé par le nombre des participants qui s'y sont exprimé une période puis ont disparu. Se sont-ils lassés du forum spécifiquement ou plutôt de la cage de chasteté, n'ayant pas le cœur de le confier ici et quittant notre petite communauté virtuelle « la queue entre les pattes » ? Le seconde hypothèse me paraît plus probable. L'individu ou le couple ont joué un temps avec une cage, ont fait le tour de cette pratique et ont passé à autre chose. Lorsque les abandons seront aussi fréquents que les adoptions, le mouvement en faveur de la cage de chasteté atteindra son sommet et ne pourra que décliner. Je pense toutefois qu'il conservera longtemps un petit groupe de convaincus durables, qui maintiendront un fond de commerce aux producteurs de cages, comme c'est arrivé aux fabricants de skateboards par exemple.
On en reparle dans 20 ans ?

[RayOfLight]

Bonjour yohannklucem,

Merci pour ce questionnement auquel il serait présomptueux de vouloir répondre en pensant détenir LA vérité.

Pour ma part, et sur la base de mon parcours de vie, ce n'est pas l'une ou l'autre des raisons que tu invoques, qui a elle seule peut donner une réponse crédible. Pour un thème aussi complexe, c'est plus un faisceau de raisons, de causes. Donc je penche pour le dernier paragraphe de ton post...

Je ne sais pas s'il peut y avoir une réponse définitive, ou si la réussite de la cage de chasteté est justement qu'elle profite "en même temps" des 3 dimensions.

Non seulement la réussite de la cage de chasteté bénéficie probablement de ces trois raisons, mais ces trois raisons s'alimentent l'une l'autre très vraisemblablement. C'est ce qui rend le travail d'analyse complexe à mon sens.

Si je ne prends que mon cas spécifique, j'ai eu un intérêt pour la cage de chasteté pour raviver notre couple, pour soutenir mon épouse dans le fait "d'agir par conviction et plaisir" plutôt que par "devoir". Pour l'aider aussi à redécouvrir une sexualité plus respectueuse. J'ai également souhaité porter cet objet pour me soutenir dans ma démarche de rapprochement vers mon épouse en cherchant à associer mon plaisir à sa seule présence (et non plus d'obtenir mon plaisir seulement par moi-même). Je me rendais compte à quel point le fait de me satisfaire moi-même écartait mon épouse du partage du plaisir et de l'accès à son propre plaisir. Cela la privait aussi de confiance en elle, etc...

Rien que dans le précédent paragraphe se trouvent les éléments correspondants aux trois "causes" que tu évoques. Je ne suis certainement pas une exception. D'autres que moi auront, plus ou moins consciemment, identifié des raisons similaires. A la recherche de solutions originales, innovantes et respectueuses pour répondre à des difficultés récurrentes ou passagères (faire évoluer et faire durer le couple dans la découverte de sa sexualité), il est certain que des objets aussi simples que la cage de chasteté ont un terrain pour se développer.

Merci pour tes apports et tes questionnements toujours très intéressants! Excellente semaine à toutes et tous.

[Lance]

Bonsoir Yohannklucem. En passant, PonPon aussi qui devance brillamment ma modeste contribution à la question réfléchie qui demande réflexion. Préférant évoquer plutôt l'idée de chasteté dans sa généralité que de cage.

L'Histoire montre qu'après des périodes troubles fortement libertaires, succède par opposition une période nécessaire d'ordre et de discipline stricte sans trop de libertés, avant de retrouver un équilibre approximatif qui lui-même s'effondrera à son tour progressivement dans le désordre né de trop de libertés qui sera remplacé un jour par une nouvelle autorité forte avec des exigences liberticides. Et ainsi de suite...

En effet, le chaos Révolutionnaire succède à un laxisme institutionnel de l'Ancien régime et sera remplacé par un Empire strict et autoritaire avec sens de l'honneur et du devoir, ses médailles et ses académies. Qui finira lui aussi par lasser pour finalement revenir à la case départ avec un nouveau Roi de France, frère du premier guillotinée au nom de principes bien vite oubliés. Ainsi, la Révolution tue le Roi de France de Droit divin pour faire naître l'Empereur autocratique qui se sacre lui-même, qui sera à son tour déchu par trop d'excès pour un Roi replacé au sommet de l'Etat. Deux Restaurations plus tard, voilà une autre idée de gouvernance tirée des philosophes grecs. Platon et sa République où "chacun a toujours raison de son point de vue". Et la voici au nom de la Liberté des peuples à disposer d'eux-mêmes, ébranlée 4 fois jusqu'à la Vième constituée en 1958 par un autre militaire, - tiens donc - , Général d'Armée que tous les politiques glorifient encore aujourd'hui comme référence.

Suivant ce schéma constaté, et rapporté à l'objet de nos préoccupations et celles de notre ami aussi, l'excès de liberté peut donc être une cause de la privation de liberté. Ou si l'on préfère, la privation de liberté sexuelle la raison à l'excès de cette même liberté. A commencer par la sienne propre. Et d'abord dès le XIXième siècle en réalité, pour lutter contre la masturbation surtout des jeunes hommes.
 
Plus contemporain, en effet, nous avons eu une période de liberté sexuelle délirante après mai 68 en réaction générationnelle à l'excessive éducation stricte des parents dans les années 50, ayant eux-même souffert pendant leur jeunesse des privations en tout genre pendant la guerre. Les années 70 et 80 ont vu passer du sexe à tous les étages et sur toutes les chaînes TV et radios pirates en pleine ascension. Et puis, il faut se rassurer, la pilule est arrivée conjointement ouvrant ainsi tous les vagins à tous les excès, du CARPE DIEM et du tout de suite. Formidable! Et comme cela n'y suffisait pas pour se lâcher davantage, le sexe droit devant et bien dedans, l'avortement voté pouvait tout solutionner. Magnifique! Du grand n'importe quoi légalement autorisé au nom de la sacro-sainte Liberté (*). Le tout sanctionné par le Sida qui "ne passera pas par moi". Ben voyons! Obligeant alors toute une génération à une nouvelle période sans sexe dévergondé pour davantage de sagesse ou de responsabilité. Et les petites cages d'arriver.

Il fallait donc impérativement établir un peu d'ordre et de discipline dans les pratiques sexuelles joyeuses avec tout le monde et n'importe qui, remettre des règles en place, réapprendre à aimer une femme, savoir l'attendre, retrouver la puissance sensible de l'outil avec davantage d'intelligence et de constance, retrouver le vrai dans la relation, partager l'essentiel.

Je me permets de citer :

La chasteté consiste à vivre une sexualité (...) d'une manière conforme à des règles définies (...). La chasteté masculine est un outil d'exploration de l'intimité et permet de créer de nouveaux niveaux de connexion.
La chasteté exige un véritable apprentissage et un effort constant à tous les âges de la vie. Elle  est appliquée selon une certaine organisation déterminée (...). En choisissant d'attendre avant d'avoir des relations sexuelles, la recherche de plaisirs qui ne s'inscrit plus dans l'immédiateté, mais dans l'intensité des désirs solides et durables ainsi que dans l'authenticité de la relation.
Messoa

(*) Sauf force majeure pour les mineures et viols pénalement répréhensibles?

[PonPon]

Bonjour yohannklucem,

Je ne prétendrai pas avoir suffisamment de recul sur l'évolution la société, ni sur les différents profils d'utilisateurs de cage, pour répondre à cette question complexe. Je vais essayer d'apporter un peu d'eau au moulin à partir de mes propres motivations en tant que "jeune", et de mes lectures.

1. Un moyen d'explorer plus loin sa sexualité

Pour moi, il s'agit d'un mélange de tes points 1 et 2. La cage de chasteté est arrivée dans la continuité d'autres pratiques hors des standards de virilité de l'époque. J'ai commencé à être attiré par la pénétration anale à l'adolescence, et ai fait plein d'expériences avec des objets divers avant d'enfin en début de vingtaine acheter mes premiers sextoys. En cela, l'introduction de sextoys répond bien à un besoin latent.

J'ai été surpris de voir que le marché du sextoy masculin anal était en plein essor, et que chaque année apportait son lot de nouveaux jouets innovants et d'articles encensant les jeux prostatiques (j'ai l'impression que de ce côté-là, le marché se calme là où celui de la chasteté s'ouvre). À partir de là, vu le bond spectaculaire qu'a fait mon plaisir sexuel avec les premiers jouets, j'ai voulu en essayer plus, et explorer toutes les subtilités des sensations pour lesquelles chaque jouet est spécialisé.

C'est là qu'entre en jeu la cage de chasteté. Je suis tombé dessus par hasard en cherchant des jeux sexuels. Au début l'objet ne m'a pas attiré du tout, je voyais ça comme une curiosité, une sorte de fétiche qui n'apporte pas grand chose, puis à force d'essayer d'avoir des orgasmes uniquement par pénétration anale, toujours sans succès, j'ai fini par me dire "tiens, si j'essayais de mettre une cage pour m'empêcher de me toucher et me forcer à aller jusqu'au bout par derrière". On a donc un mélange entre tes points 1 et 2. Besoin latent de prendre du plaisir par derrière, de ne pas me toucher devant pour mieux apprécier les sensations derrière, et visibilité grandissante de l'objet lui-même (même si on n'en voyait pas encore en première page sur les sites pornos populaires à l'époque, c'était encore assez niche).

Anecdote amusante, quand j'ai acheté ma première cage en 2017 à 26 ans, je suis allé faire le tour des sex-shops de pigalle à la recherche de conseils. Aucun vendeur ne savait vraiment de quoi il parlait, ce qui indique que la pratique était quand même toujours très niche. Je serais curieux de refaire l'expérience aujourd'hui.

2. Un moyen de renforcer l'intensité du rapport sexuel

Je me suis mis en couple assez tardivement, après avoir expérimenté pas mal de choses seul. Lorsque j'ai amené la cage de chasteté pour la première fois, c'était pour du jeu ponctuel sur quelques heures. On est dans ton point 1, mais pas avec la même approche. Le bienfait ici est le même que n'importe quel autre sextoy, pas quelque chose de durable et profond. L'idée était de se chauffer mutuellement, puis retirer la cage et pendre encore plus de plaisir. Ça a coincé totalement du côté de Madame donc ça ne s'est pas passé comme ça, mais il y a pas mal de monde qui utilise la cage juste de cette manière.

3. Un moyen d'apaiser une sexualité conflictuelle

Nous ne sommes pas compatibles sexuellement avec Madame, nos besoins et envies sont opposés, mais malgré tout on s'aime. Dans cette configuration, la cage devient salvatrice pour canaliser mes pulsions et redonner confiance en elle à Madame.

Je pense que c'est une situation pas si rare depuis très longtemps, et en ça la cage répond à un besoin dans la société. Dans ce cas pourquoi commence-t-elle seulement à se faire connaître ? Je pense que c'est simplement lié à la façon dont le problème est abordé aujourd'hui, qui est très différent d'il y a 20 ans.

4. Un phénomène de société autour de la sexualité

Si j'en crois ce qui se dit, avant la sexualité c'était simple (je caricature) : monsieur a envie, madame répond à son besoin en offrant son corps même si elle n'en a pas envie, d'ailleurs l'orgasme est toujours en option, et ce script est tellement ancré que des comportements comme le viol conjugal sont quasiment normaux.

Le mouvement #MeToo notamment a rebattu les cartes, et s'il a permis de prendre conscience du phénomène, il n'a pas pu immédiatement changer les mœurs. On se retrouve dans un entre-deux où les femmes ont toujours les scripts sexuels traditionnels ancrés, mais veulent s'émanciper de leur condition de "soumission" à l'homme (j'imagine que le fond est plus complexe que ça cependant). En parallèle de ça, les tabous autour de la sexualité masculine, encore plus forts que ceux autour de la sexualité féminine, commencent progressivement à sauter, et on se retrouve collectivement en phase d'ajustement. On a un peu déconstruit c'est bien, maintenant il faut reconstruire. Comment allier l'émancipation sexuelle de la femme avec la déconstruction de la sacro-sainte virilité masculine ? La cage de chasteté est un bon candidat.

On note aussi un autre phénomène, qui est que les jeunes font de moins en moins l'amour. Plusieurs causes possibles à ça, dont les écrans, l'individualisme de plus en plus marqué, la désacralisation de la famille, les changements dans le rapport homme-femme post #MeToo (ou quand draguer devient complexe car perçu par certaines comme une forme d'oppression, alors qu'à côté on a notre shot de dopamine à portée d'écran, pourquoi s'embêter ?). Ce phénomène n'est pas lié directement, mais peut contribuer à agrandir les écarts d'envies.

La lutte contre la société de consommation je n'y crois pas trop. Aujourd'hui le marché de la séduction est largement devenu un marché de consommation. C'est plutôt à ce niveau qu'il y aurait protestation, justement en ne se mettant pas en couple, chose que de plus en plus de jeunes font, plutôt que dans la mise en place d'une cage en couple pour "ne pas consommer".

Il y aurait encore des points à creuser. Il y a certainement pas mal d'autres facteurs qui rentrent en compte. Ce qui est à peu près sûr, c'est que nous sommes en plein changement social, et que l'essor de la chasteté masculine a l'air d'en être un symptôme.

[yohannklucem]

Il y a une question "philosophique" qui m'a accompagné tout au long de l'écriture de mon livre "le pouvoir secret de la cage de chasteté" et à laquelle, malgré mes recherches et les nombreux témoignages que j'ai consultés ou recueillis, je n'ai pas trouvé de réponse définitive.

C'est la question que je pose dans la conclusion du livre, et que je vais reformuler ici : comment expliquer l'explosion sidérante du marché de la cage de la chasteté ?

Même s'il n'y a pas de syndicat professionnel international qui publierait les chiffres des ventes, il suffit d'observer les résultats Google pour voir que, rien que dans le monde francophone, il s'ouvre en continu de nouveaux sites de vente spécialisés, de nouveaux blogs plus ou moins personnels, plus ou moins mercantiles, de nouveaux services de keyholding. Sur le web anglophone, les records de trafic en lien avec la cage de chasteté sont battus mois après mois depuis toujours.

A travers ma question, je cherche à comprendre cet engouement, alors qu'il y a 20 ou 25 ans, le marché n'existait pas. Je crois qu'on peut même oser dire qu'à l'exception de quelques fétichistes et soumis lecteurs de revues SM ultra-confidentielles, la possibilité même de la cage de chasteté (même pas en tant que pratique personnelle, déjà en tant qu'artefact pouvant éventuellement exister un jour) n'avait traversé aucun cerveau.

J'ai trois hypothèses pour justifier ce big bang, mais aucune ne me satisfait pleinement, c'est pourquoi je suis curieux d'entendre d'autres avis et d'en débattre.

1. L'objet crée le besoin

Cette perspective s'aligne avec l'idée que l'innovation technique a le pouvoir de transformer les sociétés en créant des usages et des désirs qui n'existaient pas auparavant. C'est l'exemple, désormais classique, du smartphone : avant son invention, personne ne ressentait le besoin de consulter ses courriels en permanence ou de partager instantanément des photos sur les réseaux sociaux. Pourtant, dès que cet objet a été introduit, il a engendré des comportements nouveaux, et avec eux, des besoins qui, auparavant, n'avaient même pas été conceptualisés. On peut alors dire que c'est l'objet, ici le smartphone, qui a créé ces besoins modernes.

On peut directement faire le parallèle avec la cage de chasteté. Les inventeurs de la CB-2000 ont proposé un objet qui n'existait pas (avec sans doute à l'esprit une toute petite clientèle de niche), sans pouvoir anticiper le fait que les consommateurs, le marché, découvriraient subitement que le contrôle de l'orgasme masculin, comportement que l'objet rendait possible, était aussi un comportement souhaitable. Le marché a explosé car le produit prévu pour une niche apportait un bienfait même en dehors de la niche.

Si on tire le fil, cela implique que l'être humain n'était pas intrinsèquement attiré par la continence forcée, mais qu'il a trouvé un intérêt certain, un bienfait, à ce que cet objet nouveau la rende possible. C'est mieux d'utiliser un smartphone que de vivre sans. C'est mieux que l'homme porte une cage de chasteté plutôt que non.

L'angle "l'objet crée le besoin" est aussi celui qui explique pourquoi des gens comme moi, comme nous tous ici à différents degrés, se sentent investis de la mission "d'évangéliser" en écrivant un livre, en publiant sur les réseaux sociaux, en échangeant sur un forum. "J'ai trouvé un intérêt certain à ce nouvel objet, je vous invite à le découvrir vous aussi".

2. Perspective inverse, le besoin latent

Ici, le nouvel objet n'est pas seulement le fruit de l'intuition ou du génie créatif de son inventeur; l'inventeur le crée pour répondre à une demande implicite ou explicite de la société. Prenons l'exemple de l'automobile. Bien avant son invention, il y avait déjà un besoin de mobilité accrue, de se déplacer plus vite, plus loin, plus souplement que ce que permettaient le cheval ou le chemin de fer. L'invention de l'automobile est simplement la réponse technique à ce besoin préexistant. Cette vision s'inscrit dans une approche classique de l'économie: l'offre est supposée répondre à la demande. Ce n'est pas l'objet qui crée le besoin, mais le besoin qui, d'une certaine manière, appelle l'objet à exister.

Dans ce cadre, les inventeurs de la CB-2000 auraient simplement capté mieux que d'autres un désir puissant de contrôle de l'orgasme masculin qui était déjà présent dans la société. Le corollaire, c'est donc l'idée que l'être humain a pressenti "de toute éternité" tous les bienfaits de cette pratique, sauf qu'il n'avait jusque-là pas les moyens de la réaliser.

C'est difficile à admettre si on se concentre sur la société occidentale, mais ce n'est pas si incongru dès qu'on regarde les sagesses asiatiques ancestrales (en Inde, en Chine) qui font de l'éjaculation la mère de tous les maux. Si la cage de chasteté n'est apparue qu'au début du XXIe siècle et pas 1000 ou 2000 ans plus tôt, c'est seulement parce qu'il aura fallu attendre l'invention de l'impression 3D, la maturité des plastiques bio-compatibles, la maîtrise de la soudure de l'acier chirurgical ou du titane... Si le marché a pu progresser si vertigineusement, c'est parce que la demande était là bien avant que la faisabilité technique ne soit atteinte.

3. Perspective radicalement différente: la cage de chasteté est un archétype de notre époque.
Un objet qui n'aurait pas pu exister avant car il n'y avait pas du tout de besoin, et que même s'il avait été inventé plus tôt, il n'aurait pas été adopté; mais un objet qui ne pourrait pas non plus ne pas exister aujourd'hui, car le besoin est devenu tellement prégnant que son invention était nécessaire. Sa diffusion massive et brutale n'est alors que le reflet d'une évolution massive et brutale de la société qui a créé un besoin impérieux.

Il est en effet difficile de ne pas voir le parallèle flagrant entre la progression de la popularité du contrôle de l'orgasme masculin et la diffusion des dynamiques sociétales contemporaines: la remise en question les normes de genre, la réflexion sur les relations de pouvoir, les notions de consentement et de respect dans les relations interpersonnelles...

Le mouvement #MeToo, en particulier, a mis en lumière les abus de pouvoir et les comportements sexuels non consensuels, engendrant une réflexion profonde sur la manière dont les relations entre hommes et femmes se structurent autour du désir et du consentement. Dans ce contexte, la cage de chasteté peut être perçue comme l'outil de l'explicitation du consentement, une manière pour certains couples de réaffirmer le contrôle et le respect mutuel dans la relation, une protection que certains hommes adoptent (pas forcément de manière consciente) pour s'éviter tout dérapage (ou toute accusation de dérapage).

D'autre part, le wokisme, avec sa critique des structures traditionnelles, alimente l'attrait pour toutes les pratiques sexuelles qui s'écartent des normes habituelles, qui contournent ou déconstruisent les conventions traditionnelles autour de la virilité et de la féminité. Lorsque les rôles de genre et les identités sexuelles sont de plus en plus fluides et questionnés, la cage de chasteté apparaît comme une expérimentation de ces frontières, une soumission bienvenue du biologique au symbolique.

Il est également possible que l'attrait pour la cage de chasteté soit une réaction à un climat de plus en plus hypersexualisé, où les attentes concernant la performance sexuelle sont devenues trop élevées. Dans ce cadre, on peut envisager que la cage de chasteté est une forme de résistance à cette pression, une manière de reprendre le contrôle en refusant la sexualité trop traditionnelle, afin d'explorer des aspects plus psychologiques du désir. On peut aussi y voir une métaphore à l'échelle du couple de la lutte contre la société de (l'hyper)consommation : la frustration plutôt que la satisfaction futile.


Je ne sais pas si vous serez nombreux et nombreuses à m'avoir lu jusqu'au bout, mais voilà l'interrogation que je voulais partager avec vous.
Je ne sais pas s'il peut y avoir une réponse définitive, ou si la réussite de la cage de chasteté est justement qu'elle profite "en même temps" des 3 dimensions. Je suis curieux de lire d'autres visions, d'autres arguments, pour nourrir le débat et alimenter ma réflexion.